
En mars 2025, un don de 468 BTC au ministère de la Justice tchèque a provoqué une tempête politique. Retour sur une affaire mêlant blockchain, blanchiment et démission ministérielle.
1. Un don hors normes : 468 BTC transférés au ministère de la Justice
En mars 2025, le ministère de la Justice de République tchèque a reçu un don pour le moins atypique : 468 bitcoins, équivalant à environ 45 millions de dollars. Le donateur, Tomáš Jiříkovský, est une figure bien connue des autorités : ancien opérateur de la place de marché illégale Sheep Marketplace, il a été condamné en 2017 pour trafic de drogue, fraude et possession d’armes.
La provenance des fonds soulève donc immédiatement des soupçons, mais cela n’a pas empêché leur acceptation.
2. Crise politique : démission du ministre Pavel Blažek
Le ministre de la Justice, Pavel Blažek, a été sévèrement critiqué pour avoir accepté le don sans :
- Vérifier l’origine des fonds,
- Mettre en œuvre des procédures anti-blanchiment (AML/KYC),
- Impliquer les autorités de régulation.
Malgré une tentative de justification par conversion rapide des fonds et transfert au Trésor d’État, les critiques ne faiblissent pas. Le 30 mai 2025, sous la pression de l’opposition et des médias, Blažek annonce sa démission pour préserver la réputation du gouvernement.
Le 10 juin, Eva Decroix est nommée ministre et ordonne l’ouverture d’une enquête indépendante.
3. Corruption, blanchiment et déficit de transparence
Accusations de l’opposition
Le principal parti d’opposition, ANO dirigé par Andrej Babiš, qualifie l’affaire de « cryptocriminalité d’État ». Ils pointent :
- Une absence totale de garanties légales sur la provenance des fonds,
- Un exemple de gouvernance défaillante dans le traitement des actifs numériques.
Enquêtes en cours
Le parquet d’Olomouc et la police anti-criminalité ont ouvert une enquête pénale sur le processus d’acceptation du don.
4. Blockchain et transparence : un double tranchant
Si la blockchain permet une traçabilité inégalée des flux financiers, encore faut-il que les institutions sachent l’exploiter correctement.
Une enquête technique menée par Lupa.cz a démontré que les fonds provenaient de portefeuilles associés au dark web, notamment le nœud « Nucleus », avant d’être transférés vers un portefeuille officiel du ministère.
Ce cas illustre que la transparence de la blockchain n’est efficace que dans un cadre juridique et institutionnel bien défini.
5. Conséquences politiques et impact électoral
Une motion de censure est actuellement portée par l’opposition. Bien que peu susceptible de renverser le gouvernement, elle intervient à un moment stratégique : à quelques mois des élections d’octobre 2025.
Les sondages donnent toujours ANO en tête. Ce scandale pourrait néanmoins accentuer l’écart si les électeurs y voient un symptôme de corruption systémique.
6. Enjeux institutionnels : confiance et gouvernance
Selon Transparency International, la confiance dans les institutions tchèques était déjà en déclin. Ce scandale l’a profondément ébranlée.
La nomination de Eva Decroix vise à restaurer cette confiance en assurant :
- Des procédures AML rigoureuses,
- Une gouvernance plus transparente,
- Une réponse ferme aux abus potentiels liés aux crypto-actifs.
Conclusion : une leçon de gouvernance crypto
Ce scandale est un révélateur des risques systémiques liés à une adoption précipitée des crypto-actifs par les institutions publiques.
Il souligne que :
- La blockchain n’est pas intrinsèquement sûre si elle n’est pas encadrée juridiquement,
- L’absence de procédures AML/KYC peut compromettre la légitimité des institutions,
- La transparence ne suffit pas sans surveillance et responsabilité politique.
Pour les gouvernements, intégrer les crypto-actifs nécessite des garde-fous solides et une vigilance permanente face aux risques de réputation, de corruption et de désinformation.