
La Norvège envisage un moratoire sur le minage de cryptomonnaies en proof-of-work, pour préserver son réseau électrique et favoriser des usages plus durables. Analyse des enjeux économiques, énergétiques et réglementaires.
1. Vers un moratoire sur le minage crypto : la Norvège change de cap
Le 20 juin 2025, le gouvernement norvégien a proposé un moratoire temporaire sur la création de nouveaux centres de minage de cryptomonnaies, visant particulièrement les technologies à forte consommation d’énergie comme le proof-of-work (PoW). Si la mesure est adoptée par le Parlement, elle pourrait entrer en vigueur dès l’automne 2025.
Karianne Tung, ministre de la numérisation, explique que malgré les vastes ressources hydroélectriques du pays, le minage de cryptos rapporte peu à l’économie locale tout en mobilisant une électricité précieuse. Cette énergie serait jugée plus utile pour l’industrie, les réseaux de chauffage urbain ou les centres de données dédiés à l’intelligence artificielle.
2. Un usage contesté de l’électricité verte
Une énergie renouvelable… mais mal allouée ?
La Norvège produit plus de 99 % de son électricité à partir de l’hydroélectricité, ce qui a attiré de nombreux mineurs à la recherche d’une énergie propre et bon marché. Des fermes comme celles de Kryptovault (40 MW) recyclent même leur chaleur pour sécher du bois ou chauffer des bâtiments.
Mais une création de valeur limitée
En réalité, ces installations n’emploient que quelques dizaines de personnes et ont un impact économique local réduit. Le gouvernement souligne que le rendement social et industriel est faible, comparé à d’autres usages énergétiques.
3. Vers des solutions plus durables pour le minage
Plusieurs pistes sont explorées pour réduire l’empreinte énergétique du minage :
- Recyclage thermique : récupération de la chaleur pour chauffer bâtiments publics ou industriels.
- Refroidissement par immersion liquide : plus économe en énergie.
- Utilisation des excédents d’électricité : minage pendant les pics de production renouvelable.
- Migration vers le proof-of-stake (PoS) : adopté par Ethereum, cette alternative consomme nettement moins d’énergie.
Cependant, ces options restent limitées à petite échelle, et la Norvège préfère aujourd’hui allouer ses ressources aux secteurs à forte valeur ajoutée locale, comme l’intelligence artificielle ou l’industrie lourde.
4. Répercussions économiques du moratoire
Un risque d’exode industriel
Les acteurs du minage pourraient se relocaliser vers des pays voisins comme l’Islande, le Canada ou certaines régions des États-Unis, où les coûts énergétiques sont bas et la régulation plus favorable.
Des opportunités pour un minage plus vert
Le moratoire pourrait également créer une niche pour les prestataires innovants : technologies de refroidissement avancées, infrastructures thermiques, ou solutions de recyclage énergétique.
Une politique énergétique stratégique
L’objectif du gouvernement est clair : préserver son réseau pour des usages prioritaires et renforcer son engagement en matière de développement durable.
5. Une décision dans un contexte international plus large
La Norvège emboîte le pas à d’autres régions du monde ayant restreint le minage PoW :
- État de New York : moratoire sur le minage utilisant des énergies fossiles.
- Chine : interdiction pure et simple du mining pour des raisons environnementales.
- Pays nordiques (Suède, Islande) : confrontés à la même tension entre usage industriel et minage crypto.
6. Entre frein réglementaire et catalyseur d’innovation
Aspect | Effet anticipé |
---|---|
Réduction de la consommation | ✅ Moins de tension sur le réseau électrique |
Baisse de l’emploi dans le minage | ⚠️ Potentiel exode industriel |
Incitation à l’innovation | ✅ Développement de solutions plus durables |
Stratégie énergétique nationale | ✅ Alignement avec les objectifs de durabilité |
7. Conclusion : un choix stratégique pour l’avenir énergétique norvégien
En envisageant un moratoire sur le minage proof-of-work, la Norvège affirme une volonté claire : utiliser son électricité verte de manière stratégique et durable. Le pays préfère investir dans des domaines créateurs d’emplois et de valeur sociale, plutôt que de soutenir un secteur jugé énergivore et à faible impact local.
Ce moratoire pourrait devenir un modèle mondial de régulation responsable, à condition que l’industrie s’adapte en proposant des alternatives durables. À défaut, la Norvège risque de voir ses ressources énergétiques valorisées ailleurs.