
En Bolivie, les volumes de transactions en cryptomonnaies ont bondi de +530 % au premier semestre 2025. Un phénomène lié à une crise économique profonde et à l’adoption croissante de Bitcoin et des stablecoins. Analyse complète.
1. Un bond spectaculaire : +530 % de transactions crypto
Selon une publication récente de la Banque centrale de Bolivie (BCB), les volumes de transactions en cryptomonnaies ont atteint 294 millions de dollars au premier semestre 2025, contre 46,5 millions à la même période en 2024 — soit une hausse de 530 %.
Le mois de mai 2025 à lui seul a enregistré un record mensuel de 68 millions de dollars, confirmant une adoption rapide depuis la levée de l’interdiction des cryptomonnaies en juin 2024.
2. Une crise économique profonde comme moteur d’adoption
La Bolivie est confrontée à une crise macroéconomique aiguë, caractérisée par :
- Une inflation record, la plus élevée depuis 1985.
- Des réserves en dollars quasi épuisées.
- Une dévaluation du boliviano de près de 50 % sur le marché parallèle.
- Des pénuries de carburant entraînant des files d’attente massives.
Face à l’instabilité du système financier, de nombreux Boliviens se tournent vers les cryptomonnaies, notamment Bitcoin et Tether (USDT), pour protéger leur pouvoir d’achat.
3. Usages concrets : paiements et micro-économie
Dans des villes comme Cochabamba, l’usage des cryptos se généralise :
- Les commerces locaux (restaurants, coiffeurs, boutiques) acceptent les paiements en USDT ou BTC.
- Des crypto-ATM permettent d’échanger des espèces contre des actifs numériques.
- Des remises sont parfois proposées pour encourager l’adoption.
Un commerçant local résume :
« Payer un poulet en Bitcoin ou épargner en USDT est désormais plus fiable que le boliviano. »
4. Comparaison avec d’autres pays en crise
L’adoption crypto en Bolivie évoque celle observée dans des pays comme :
- Argentine
- Venezuela
- Liban
- Turquie
Cependant, les volumes restent encore modestes :
- En Bolivie : environ 600 000 $/jour en USDT.
- En Argentine : jusqu’à 12–14 millions $/jour sur les marchés informels.
La Bolivie en est donc à une phase initiale d’adoption, bien qu’en forte croissance.
5. Une régulation crypto en cours de structuration
Après la levée de l’interdiction en 2024, la Bolivie a initié un cadre réglementaire :
Résolution 082/2024 :
- Autorise les transactions via canaux électroniques régulés.
Décret 5384 (mai 2025) :
- Met en place des licences VASP (Virtual Asset Service Providers).
- Exige des rapports AML/KYC et une surveillance bancaire renforcée.
- Coordonné par la BCB et l’agence ASFI.
Des programmes de sensibilisation publique sont également lancés pour encadrer l’adoption.
6. Avantages et risques d’une adoption crypto rapide
Avantages :
- Accès facilité aux devises étrangères, en période de restriction de change.
- Soutien aux microentreprises, privées de dollars bancaires.
- Inclusion financière dans les zones rurales isolées.
Risques :
- Volatilité élevée du marché crypto, pouvant impacter les ménages modestes.
- « Crypto-colonialisme » : risque d’exploitation économique des populations fragiles.
- Zone grise réglementaire : absence de fiscalité claire et protection limitée des utilisateurs.
7. Conclusion : entre refuge économique et test réglementaire
La flambée des transactions crypto en Bolivie est à la fois un signe d’opportunisme économique face à la crise, et un symptôme alarmant d’un système financier sous pression.
Le pays adopte une approche pragmatique : ni répression brutale, ni dérégulation totale. Il s’oriente vers un modèle de régulation modérée, visant à protéger les utilisateurs tout en encourageant l’innovation financière responsable.
À suivre :
- L’application des réglementations AML/KYC.
- L’impact de l’USDT dans l’économie locale.
- Le développement d’un écosystème crypto national résilient.